VIVE LE QUEBEC LIBRE

 

Si cette phrase est encore gravée dans beaucoup d'esprits, que ce soit en France ou au Québec, elle mérite réflexion. Ma démarche, pour présenter l'évolution entre ces deux pays, s'est inspirée de différents articles etouvrages, ainsi qu'à ma mémoire, ayant accompagné le général de Gaulle lors de sa visite au Québec dans le cadre de l'exposition universelle de Montréal en 1967 "Terre des Hommes". Les textes et les allocutions rapportés sont inscrits en italique.

Ce texte sera divisé en trois parties :

- Les relations avant 1967

- Juillet 1967

- L'après Québec.

 

Les relations avant 1967.

Après la seconde guerre mondiale la France s'est retrouvée dans une situation paradoxale : un développement important, tant sur le plan économique que démographique et de multiples problèmes avec ses colonies. Il lui a fallu gérer la guerre d'Indochine, puis celle d'Algérie ainsi que la décolonisation, en particulier en Afrique.

Pour le simple Français ces problèmes étaient beaucoup plus importants que de savoir ce qu'étaient devenus leurs compatriotes partis de l'autre côté de l'Atlantique au début du XVIIème siècle et, il faut l'avouer, nous les avions oubliés.

Des liens existent pourtant. Ils sont plus d'ordre politoco-culturel. Ainsi, lors de la visite de Guy Mollet en mars 1957, Mgr Alphonse-Marie Parent, recteur de l'académie de Laval, lui répond : " Vous savez déjà que les Canadiens français (terme repris par le Gl de Gaulle) ont gardé fidèlement dans leur coeur le culte de la France et que l'âme de votre pays est toujours restée vivante dans l'esprit, la langue et les traditions de la province du Québec qui fut le berceau et qui demeure le plus fidèle rempart de la vie française au Canada ".

Ce sentiment, exprimé par un Canadien français, explique que les hommes politiques français rendirent visite au Québec : Pierre Mendès-France en 1954, Guy Mollet en 1957, ou le Gl de Gaulle en 1960, furent séduits et émus par l'accueil des Québecois, sans être, il faut l'avouer, très au fait de la situation du pays. Le Canada fédéral demeure un pays allié et le gouvernement du Québec ne demande rien à la France.

1960 : au Québec arrivée au pouvoir des libéraux de Jean Lesage. Il faut renforcer les liens avec la France afin de distinguer le Québec des autres provinces. Première action, le ministre français des Affaires Culturelles, André Malraux, et son homologue québecois, Georges-Emile Lapalme, décident, dès 1960, l'ouverture d'une maison du Québec à Paris. Fait rarissime mais permis par le flou de la constitution canadienne. Lors de son inauguration fastueuse le premier-ministre Jean Lesage est reçu avec des honneurs considérables, presque comme un chef d'Etat.

Cette ouverture est le prémisse d'un resserement des liens entre nos deux pays. D'autres actions de rapprochement suivirent et ne furent guère du goût du premier-ministre fédéral Lester B. Pearson ainsi que de son ministre des Affaires Extérieures, Paul Martin. La politique française ne peut donc qu'indisposer le gouvernement fédéral profondément attaché aux valeurs britanniques, démontré en 1964 par la vigueur du débat à la Chambre des Communes lors de l'adoptiondu drapeau canadien à la feuille d'érable à la place de l'Union Jack.

On ressent encore ce désaccord entre la France et le Gouvernement Confédéral du Canada lors de la remise des lettres de créances de l'embassadeur canadien au Gl de Gaulle en 1964; ce dernier déclare : " En réalité, sans la France, un certain équilibre serait à tous égards difficile à maintenir pour le Canada...Quoi qu'il en soit la France est présente au Canada, non seulement par ses représentants, mais aussi parce que de nombreux Canadiens sont de sang français. Bref, ils sont Français sauf pour tout ce qui concerne le domaine de la souveraineté ".

Arrêtons ci cet historique d'avant 1967. Il se suffit à lui-même pour démontrer, s'il en était besoin, le profond attachement que lie la France et le Québec et les réticences du pouvoir fédéral à voir développer ces liens privilégiés. Mais, force est de constater, qu'à part ces querelles politico-politiciennes, les Français ignorent toujours tout du Québec et des Canadiens français.

 

Juillet 1967.

Nous arrivons au coeur du débat qui dure depuis bientôt 40 ans.

La venue du Gl de Gaulle à l'exposition universelle de Montréal se prépare début 1967. L'invitation a été formulée par le premier-ministre du Québec Daniel Johnson, ce qui a une extrême importance, ce n'est pas le Canada qui invite le Président de la France mais le Québec, de Gaulle ne l'oubliera pas. La venue du Général inquiète le gouvernement fédéral qui redoute son comportement parfois imprévisible. La mise au point du programme est laborieuse, le gouvernement fédéral voudrait que celle-ci commence par Ottawa, conformément aux usages diplomatiques. Daniel Johnson, qui a invité le Général, souhaite qu'il commence par Montréal ou Québec. Le Général accepte en définitive la propositionde Johnson. Suite au refus du gouvernement fédéral que le Général atterrisse sur plusieurs aéroports, celui-ci décide de venir en bateau accompagné de son épouse. Il embarque à Brest le 15 juillet à bord du navire amiral de la flotte de l'Atlantique, le croiseur " Colbert ". Après une escale à Saint Pierre et Miquelon, il arrive au Québec le 23 juillet.

Tout a été pensé pour que ce voyage fut un symbole. De Gaulle remonte le Saint Laurent comme l'avait fait Jacques Cartier 424 ans plus tôt. Il le fait sur le "Colbert" du nom de celui qui a organisé l'administration de la Nouvelle-France. Il a débarqué à l'Anse au Foulon, là où a également débarqué l'ennemi de Montcalm, l'Anglais Wolfe.

A cet endroit, pendant que les musiciens à bonnets à poils jouent le " God save the Queen " la foule chante " La Marseillaise " et crie "Vive la France ". Le Général est ému, comment va-t-il s'y prendre?

Québec est pavoisée aux couleurs de la France et couverte de Fleurs de Lys et de banderoles où sont inscrits " Vive de Gaulle ", " France-Québec-Liberté ", "France libre - Québec libre " ou encore " Décolonisation ".

Le Général, répondant à l'accueil du maire de Québec, parle de la ville comme " la capitale du Canada français ", une manière de dire qu'elle est non seulement la capitale des québecois, mais celle également de tous les Canadiens français éparpillés dans d'autres provinces.

Si le discours du 24 juillet à Montréal a surpris tout le monde, il ne faut pas oublier celui qu'il prononçât la veille à Québec en réponse au toast adressé par le premier-ministre du Québec ( ce texte peut paraître un peu long mais, contrairement à son allocution du 24 à Montréal, ce texte était préparé et chaque mot prend tout son sens).

" Pour les Français, que nous soyons du Canada ou bien de France, rien ne peut être plus émouvant quant aux sentiments que nous nous portons, ni plus important pour ce qui est de nos rapports à venir, que cette magnifique réception faite ici en ma personne à notre commune patrie d'origine. Rien, non plus, ne saurait expliquer mieux que les nobles paroles que vous venez de m'adresser pourquoi et comment il est de notre devoir d'agir ensemble de telle sorte que ce que nous faisons de part et d'autre de l'Atlantique soit, en somme, une oeuvre française.

Car, à la base de l'évolution qui est en train de s'accomplir en ce qui concerne le destin des Français canadiens et leurs liens avec la France, se trouvent trois faits essentiels et que rend aujourd'hui éclatants l'occasion de ma visite.

Le premier, c'est qu'en dépit du temps, des distances, des vicissitudes de l'Histoire, un morceau de notre peuple, par le sang qui coule dans ses veines, par la langue qui est la sienne, par la religion qu'il pratique, par l'esprit, les gestes, les noms, les coutumes, le comportement de ses familles, de ses hommes, de ses femmes, de ses enfants, enfin par la conscience profonde qu'il a de sa propre communauté. Après qu'eut été arrachée de ce sol, voici 204 années, la souveraineté inconsolable de la France, 60 000 Français y restèrent. Ils sont maintenant plus de six millions. Ce fut, sur place, un miracle de fécondité, de volonté et de fidélité. C'est, pour tous les Français, où qu'ils soient, une preuve exemplaire de ce dont peut être capable leur puissante vitalité.

Une autre donnée de la situation ou vous, Français canadiens, vous trouvez par rapport à vous-même et par rapoort aux autres, tient à ceci que votre résolution de survivre en tant qu'inébranlable et compacte collectivité, après avoir longtemps revêtu le caractère d'une sorte de longue résistance passive à tout ce qui risquait de compromettre votre cohésion, a pris maintenant une vigueur active en devenant l'ambition de vous saisir de tous les moyens d'affranchissement et de développement que l'époque moderne offre à un peuple moderne fort et entreprenant.

Ce que l'on voit apparaître au Québec, ce n'est pas seulement une entité populaire et politique de plus en plus affirmée, mais aussi une réalité économique particulière et qui va grandissant. N'acceptant plus de subir, dans l'ordre de la pensée, de la culture et de la science, la prépondérance qui vous sont étrangères, il vous faut des élites, des universités, de laboratoires, à vous. Bien loin que de n'assumer, comme autrefois, que des rôles auxiliaires dans votre propre progrès, vous voulez en être les créateurs et les dirigeants et vous doter, en conséquence, des enseignants, administrateurs, ingénieurs, techniciens nécessaires.

Au lieu de laisser metre en oeuvre par des entreprises extérieures les vastes ressources de votre territoire, vous entendez les découvrir, les organiser, les exploiter vous-même. En somme, compte tenu des difficultés inévitables d'un tel changement, moyennant les accords et les arrangements que peuvent raisonnablement comporter les circonstances qui vous environnent et sans empêcher votre coopération avec des éléments voisins et différents, on assiste ici, comme dans maintes régions du monde, à l'avénement d'un peuple qui, dans tous les domaines, veut disposer de lui-même et prendre en main ses destinées. Qui donc pourrait s'étonner ou s'alarmer qu'un mouvement aussi conforme aux conditions modernes de l'équilibre de notre univers et à l'esprit de notre temps?

En tout cas, cet avénement, c'est de toute son âme que la France le salue. D'autant mieux - et c'est là le troisième fait dominant de ce qui se passe chez vous - qu'à mesure que se révèle et s'élève le Québec, les liens en se resserant et en se multipliant entre les Français des rives du Saint-Laurent et les Français des bassins de la Seine, dela Loire, de la Garonne, du Rhône ou du Rhin. Que le pays d'où vos pères sont venus et qui lui-même, après d'immenses épreuves, se trouve en plein essor de renouvellement et fournisse son concours à ce que vous entreprenez, rien, aujourd'hui, n'est plus naturel. Inversement, rien ne le sera davantage demain que la part que les savants, les artistes, les cadres, que vous êtes en train de former, prendront à la marche en avant d'une France qui se rajeunit. N'est-il pas, par exemple, aussi encourageant que possible que les universités de Québec, de Montréal, de Sherbrooke, et les universités de France soient en relations régulières et que nous échangions un nombre croissant des professeurs, des ingénieurs, des techniciens, des étudiants? N'est-il pas caractéristique que l'Hydro-Québec, votre puissante netreprise nationale, collabore directement avec l'Electricité de France, qu'il s'agisse des recherches, ou bien l'utilisation des hautes tensions où vous êtes passés maîtres, ou bien de la construction du gigantesque barrage de la Manicouagan? N'est-il pas significatif que nous ayons décidé d'établir bientôt entre nous, par le moyen d'un satellite spatial, un réseau français de communications, de radio et de télévision? Dans les domaines, culturel, économique, technique, scientifique, comme dans l'ordre politique, l'action menée en France par la délégation générale du Québec, les contacts fréquents entre les gouvernants, mes entretiens avec vous-même, Monsieur le Premier-Ministre, hier à Paris, aujourd'hui ici, organisent notre effort commun d'une manière chaque jour plus étroite et plus fraternelle.

En vérité, ce que le peuple français a commencé à faire au Canada quand, il y a quatre siècles et demi, Jacques Cartier y abordait au nom de François 1er; ce que ce peuple a poursuivi sous l'implulsion de Champlain, gouverneur nommé par Henri IV, et ceux qui vinrent après lui; ce qui fut maintenu depuis lors avec une persévérence inouïe par une fraction française grandissante; ce que celle-ci entend désormais devenir et accomplir de son propre chef et sur son propre sol, en liant l'effort qu'elle mène dans le Nouveau Monde avec celui que déploie dans l'ancien sa patrie originelle; ce sont les Français d'ici, une fois devenus maîtres d'eux-mêmes, auront à faire pour organiser avec les autres Canadiens les moyens de sauvegarder leur substance et leur indépendance au contatct de l'Etat colossal qui est leur voisin, ce sont des mérites, des progrès, des espoirs, qui ne peuvent, en fin de compte, que servir à tous les hommes. Mais n'est-ce pas dans l'ordre des choses, puisque ce sont des mérites, des progrès, des espoirs, français? " .

Bien que ce discours ne fut pas public, il ne fut guère apprécié du gouvernement fédéral et de la presse anglo-saxonne.

Le parcours des 270 kilomètres du Chemin du Roy qui séparent Québec de Montréal fut extraordinaire. Des arcs de triomphe avaient été construits à l'entrée des villes et des villages, des centaines de milliers de drapeaux français et québecois avaient été distribués, mais aucun canadien. Sur le Chemin du Roy étaient peintes de grandes fleurs de lys. Une foule nombreuse l'acclame. De Gaulle s'arrête à la basilique de sainte Anne de Beaupré (prénom de sa fille qui décéda à l'age de 20 ans). La basilique ne pouvait contenir tous les fidèles. Le recteur l'accueille comme " sauveur, héraut de la culture humaine et chrétienne de la France dans le monde entier ". Le cardinal Roy, primat du Canada, salue en lui " l'héritage de la foi, de fidélité et de courage du peuple français dont nous sommes tous sortis ". Fait exceptionnel, le Gl deGaulle, profondément croyant, communie en public. A Trois-Rivières, il a cette phrase prémonitoire dont il a le secret : " Vous saurez exaucer votre voeu; vous serez ce que vous voulez être, maîtresde vous ".

Le 24 juillet 1967 :

Dans ses discours le général répète sans cesse : " Toute la France vous regarde. Elle vous entend, elle vous aime ". Il sait qu'il touche le point sensible du peuple québecois, marqué par sa solitude et qui a besoin d'affection. S'il avait raison pour ce qui est de la réalité québecoise, il avait tort pour ce qui est de la réalité française : à cette époque les Français se moquaient éperdument du Québec. Il lui devait non seulement faire " comme si" mais également provoquer un véritable électro-choc qui puisse s'entendre jusqu'en France.

L'hostilité des Canadiens anglo-saxons blesse profondément le général. Les journaux canadiens-anglais tentent de réduire la portée de son voyage. " The globe and mail " parle d'un accueil " calme et réservé ", le " Toronto télégram " d'un accueil " moins qu'enthousiaste ". C'est mal connaître le général que de la provoquer et ce comportement hostile ne fait que le conforter dans sa résolution.

Devant l'Hôtel de ville de Montréal, à 19H30, une foule immense chante " La Marseillaise " et les banderoles nationalistes font leur apparition. Il n'est pas prévu que le général prononce de discours. Un micro était installé au balcon et servait à un orateur qui répondait à l'enthousiasme de la foule. L'occasion était trop belle ( son intervention n'est pas un discours, car elle fut brève et non préparée); c'était plutôt une conclusion, une volonté de transmettre aux Canadiens français, et au reste du monde, ce qu'il avait ressenti tout au long de ce voyage. Voici le texte de son intervention (il ne faut pas oublier qu'il était un brillant orateur et chaque mot a son importance).

" C'est une immense émotion qui remplit mon coeur en voyant devant moi la ville française de Montréal. Au nom du vieux pays, au nom de la France, je vous salue de tout mon coeur. Je vais vous confier un secret que vous ne répéterez pas. Ce soir, ici, et tout au long de ma route, je trouvais une atmosphère du même genre que celle de la libération. Outre cela, j'ai constaté quel immense effort de progrès, de développement, et par conséquent d'affranchissement que vous accomplissez ici et c'est à Montréal qu'il faut que je le dise, parce que, s'il y a au monde une ville exemplaire par ses réussites modernes, c'est la vôtre. Je dis que c'est la vôtre et je me permets d'ajouter c'est la nôtre.

Si vous saviez quelle confiance la France, réveillée aprèsd'immenses épreuves, porte vers vous, si vous saviez quelle affection elle recommence à ressentir pour les Français du Canada et si vous saviez à quel point elle se sent obligée à concourir à votre marche en avant, à votre progrès! C'est pourquoi elle a conclu avec la gouvernement du Québec, avec celui de mon ami Johnson, des accords, pour que les Français de part et d'autre de l'Atlantique travaillent ensemble pour une même oeuvre française. Et, d'ailleurs, le concours que la France va, tous les jours un peu plus, prêter ici, elle sait bien que vous vous lui rendrez, parce que vous êtes en train de constituer des élites, des entreprises, des laboratoires, qui feront l'étonnement de tous et qui, un jour, j'en suis sûr, vous permettrons d'aider la France.

Voilà ce que je suis venu vous dire ce soir en ajoutant que j'emporte de cette réunion inouïe de Montréal un souvenir inoubliable. La France sait, voit, entend, ce qui se passe ici et je puis vous dire qu'il en vaudra mieux.

Vive Montréal ! Vive le Québec !

Vive le Québec libre !

Vive le canada français ! Vive la France !

"Vive le Québec libre " n'a rien ajouté aux divers messages précédents, à savoir que la France cautionne la volonté des Québecois de disposer d'eux-mêmes. C'est de l'association de " Québec " et " libre " que se dégage une formidable énergie. C'est une onde de choc pour le Canada et le monde entier. Jamais on était allé aussi loin pour encourager les Québecois à desserer l'étau anglo-saxon qui les entoure.

Pourquoi le général ne s'est-il pas rendu à Ottawa?

Après le discours le ministre des Affaires Extérieures canadien, Paul Martin, s'était aussitôt décommandé du dîner offert par le général au pavillon français de l'exposition universelle de Montréal. Il décida donc d'écourter son séjour et rentra par avion à Paris le 27 juillet au matin.

 

L'après Montréal :

Quelques phrases montrent qu'il ne regrette rien :

" C'est l'occasion de montrer une solidarité sans faille. "

" L'essentiel est d'aller au fond des choses; nous y sommes allés. "

" Je n'aurais jamais été moi-même si je ne l'avais pas fait. "

 

Cette interview, qu'il donna que quelques jours après, résume assez bien la philosophie de ce voyage pour le moins mouvementé.

"...." Vive le Québec libre ! " était avant tout pour moi la manière d'exprimer le principe, à mon sens inaliénable, du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. En 'espèce, j'avais souhaité pour vous, les Québecois, de faire respecter votre spéficité francophone dans l'ensemble anglo-saxon et vous apporter mon concours, au nom de la France, dans cette entreprise.

Pour autant, il ne s'agissait en aucun cas, comme votre premier-ministre Lester Pearson a semblé le penser un moment, d'une tentative de ma part de nier la souverainneté du gouvernement canadien sur l'ensemble de son territoire. D'ailleurs mon discours de la veille, à Québec, pourtant pétri de la même conviction de la prééminence de l'identité spécifique du Québec, n'avait pas déclenché son ire. Il vous amusera peut-être d'apprendre qu'aucun discours n'était prévu à Montréal. Mais après le voyage que je fis sur le Chemin du Roy, de Québec à Montréal, après avoir été accueilli, dans chaque village que je traversai, comme un véritable libérateur, après avoir lu, sur les pancartes brandies par des milliers de mains, des mots tels que " Québec libre ! ", " France libre ! ", " Vive le Canada français ! ", je ne résistai pas à l'envie de saisir l'occasion de ce micro, oublié sur le balcon de l'Hôtel de Ville, pour dire mon émotion et mon soutien au Canada français, d'une façon qui devait marquer les esprits. Et le maire de Montréal, monsieur Jacques Drapeau, me laissa faire. "

"Vive le Québec libre " a eu plusieurs effets : il a placé le problème québecois sur la scène internationale et a permis le développement durable d'une coopération franco-québecoise, finalement acceptée par la plupart des courants d'opinion français. Depuis 1967, des millions de Français ont découvert le Québec et, dans la décennie 1990, ils sont plus de 500 000 chaque année à le faire.

En revanche, l'espoir du général de Gaulle, tiré de sa vision de l'histoire, d'une indépendance du Québec, ne s'est pas réalisé. Même si près de 40 ans après il reste d'actualité, en dépit du résultat négatif des différents referendums.

Personnellement j'exprimerai un regret. Si ce voyage s'est déroulé dans un contexte particulier, l'exposition universelle de Montréal " Terre des Hommes ", dans le cadre de la semaine française. S'il s'est déroulé uniquement au Québec. Si le général a bien évoqué les " Canadiens français ", je regrette qu'à aucun moment il n'ait évoqué les "Canadiens français des " Provinces maritimes", l'Ile du Prince Edouard, la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brunswick, pays des nos cousins Acadiens, berceau du peuplement du Canada français.

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